Un nouveau test génétique pour l’Ostéopathie Cranio-Mandibulaire
(OCM)
Lettre d’information de l’Institut Fur Genetik de Bern.
Contexte : L’OCM est une maladie proliférative non tumorale qui altère la forme et la fonction des os du crâne (bulles tympaniques) et de l’os de la mandibule. Cette maladie est connue sous plusieurs noms, comme « périostite mandibulaire, « mâchoire de westie », « mâchoire de Scottie », « mâchoire de lion ». L’OCM, reconnue en Angleterre il y a plus de 50 ans, était depuis lors suspecte d’une transmission héréditaire par un gène unique. La maladie est prédominante chez les Cairn terriers, Scottish terriers et West Highland White terriers, plus rarement chez d’autres races de chiens. La maladie est peu repérable jusqu’à ce que des signes d’inconfort soient observés à la mastication et lors du repas. Cela se produit généralement lorsque le chiot atteint 4 à 7 mois. Les mandibules droite et gauche sont épaissies et plusieurs os deviennent si gros et sensibles que la gueule ne peut pas s’ouvrir complètement. La sensibilité de la mâchoire affectée est associée avec une fièvre intermittente de 3 à 4 jours. Cette sensibilité et cette fièvre peuvent revenir tous les 2-4 semaines durant la phase de prolifération osseuse. La radiographie est le meilleur moyen de diagnostic de l’OCM. Le traitement est symptomatique. La plupart des chiens sont soulagés par un traitement de corticostéroïdes, mais aucun traitement ne permet de guérir totalement l’OCM. Bien que les processus de la maladie n’entrainent pas directement la mort, certains cas ont nécessité une euthanasie du fait de la douleur et du dépérissement résultant de l’incapacité à se nourrir. Investigations génétiques A l’Institut de Génétique de la faculté Suisse vétérinaire de l’Université de Bern, et au Département Vétérinaire de Bio-sciences et de l’Unité de Programmes de Recherche de l’Université d’Helsinki et du Centre de Recherche de la Santé Publique de Finlande, nous avons étudié la génétique de l’OCM chez les Cairn, les Scottish et les West Highland White terriers. Dans nos expérimentations initiales nous avons étudié l’ADN de 10 WHWT cliniquement affectés par l’OCM, et de 41 WHWT non affectés. Cette approche nous a permis de localiser la mutation responsable de la maladie sur une petite région du chromosome 5. D’autres expérimentations ont ensuite révélé qu’au moins une copie du segment du chromosome 5 associé à l’OCM, mais le plus souvent deux copies, étaient présentes chez tous les Cairn, Scottish et WHWT affectés par l’OCM. Dans une seconde série d’expérimentations, nous avons séquencé totalement le génome d’un WHWT affecté. Nos analyses approfondies ont mis en évidence une mutation unique de l’ADN à l’origine de l’OCM. Cette mutation altère le code d’un unique gène, et conduit à l’expression d’une protéine défectueuse. Cette mutation fut étudiée sur un total de 75 cas (affectés) et 400 contrôles (chiens non affectés des trois races de terriers) et démontra son étroite association avec l’OCM dans ces 3 races. Des 75 chiens affectés par l’OCM de notre échantillon, 63 avaient deux copies de la mutation (84%). Parmi les 12 chiens affectés restant, 10 avaient une seule copie de la mutation (hétérozygotes), ce qui peut s’expliquer si l’on considère l’OCM comme une maladie héréditaire autosomale dominante à pénétrance incomplète. En raison de cette pénétrance incomplète et de son expressivité variable, beaucoup de chiens porteurs de la mutation de l’OCM ne montreront pas de signe clinique de la maladie. Nous avons aussi testé des chiens des trois races de terriers qui n’ont pas eu de signes d’OCM, et nous avons observé les trois génotypes possibles. Dont une cohorte de 303 WHWT (non affectés), la fréquence de l’allèle mutant était de 36 %. Ces chiens présumés sains, portant une ou deux copies de la mutation, sont utilisés pour la reproduction, perpétuant ainsi la maladie. Nous avons noté que deux chiens diagnostiqués OCM ne portaient pas la mutation. Ces chiens pouvaient correspondre soit à une erreur de diagnostic, soit leur OCM était due à une autre cause, génétique ou non génétique. Les chiens qui sont homozygotes mutants (qui portent deux copies de la mutation / CMO-2) ont en comparaison un risque plus élevé de développer l’OCM. Les chiens hétérozygotes pour la mutation (qui portent une copie de la mutation / CMO-1) peuvent aussi développer des signes cliniques ; ils sont classés à faible risque. Quoiqu’il en soit, pour l’instant nous n’avons pas un nombre suffisant de chiens diagnostiqués OCM pour donner le taux de pénétrance exacte pour les chiens homozygotes et hétérozygotes respectivement (probabilité de développer la maladie pour les chiens CMO-1 et CMO-2). En outre, nous n’avons pas de preuve que la sévérité individuelle de la maladie est liée au génotype (expression variable chez les chiens porteurs d’une ou deux copies de la mutation). Le développement de l’OCM dépend du génotype, mais est à l’évidence influencé par d’autres facteurs génétiques ou non génétiques (environnementaux). La mutation que nous avons identifiée pourrait fonctionner en conjonction avec des mutations « modificatrices » inconnues dans les trois races étudiées. Ces mutations modificatrices seraient sans effet par elles-mêmes, mais exacerberaient la maladie quand elles seraient transmises héréditairement simultanément à la mutation OCM. Nous spéculons que les mutations modulatrices sont assez fréquentes et qu’il est par conséquent rare pour un chien porteur de deux copies de la mutation OCM d’être indemne de la mutation modulatrice et par conséquent d’être indemne d’OCM clinique. Le résultat de nos recherches suggère qu’il pourrait exister d’autres causes d’OCM dans les races, et par conséquent nous ne pouvons exclure formellement la possibilité que les porteurs puissent développer une forme génétique différente d’OCM, provoquée par d’autres mutations qui n’ont pas été identifiées par ce test. TEST ADN Le test sera basé sur la mutation causant l’OCM que nous avons identifiée et fournira le génotype précis des Cairn, Scottish and WHWT. Les résultats seront expliqués ainsi : CMO-0 (indemne) : ces chiens ont deux copies normales d’ADN et sont hautement susceptibles d’être indemnes d’OCM. CMO-1 (faible risque) : ces chiens ont une copie de la mutation OCM, et une copie normale d’ADN et sont à faible risque de développer l’OCM eux-mêmes et ils transmettront la mutation approximativement à 50% de leurs descendants directs. Les autres 50% de leurs descendants directs recevront une copie normale du gène. Si ces animaux sont mariés avec un partenaire indemne (CMO-0), la moitié des chiots seront CMO-1 (risque faible), l’autre moitié sera CMO-0 (indemne). CMO-2 (risque élevé) : ces chiens ont deux copies de la mutation OCM et ont un risque élevé de développer l’OCM (plus de 57% des chiens étudiés dans notre programme de recherche avec deux copies de la mutation OCM étaient cliniquement affectés par l’OCM). Les vétérinaires et les éleveurs devraient savoir que le génotype CMO-2 n’est pas complètement pénétrant. Les chiens CMO-2 transmettront une copie du gène mutant à tous leurs descendants directs. Ce test réduira efficacement le nombre de cas d’OCM dans les trois races de terriers affectées. Nous décourageons fortement d’utiliser les chiens CMO-2 en reproduction. Les chiens CMO-1 pourraient encore être utilisés en reproduction, s’ils sont mariés avec des chiens homozygotes CMO-0 (indemnes). Une exclusion stricte de tous les chiens CMO-1 réduirait trop le pool génétique restreint des races affectées. Cela conduirait à un accroissement des autres maladies héréditaires. A l’heure actuelle, les chiens CMO-1 importants devraient être utilisés pour la reproduction et auront 50% de descendants directs indemnes s’ils sont mariés à des chiens CMO-0. Les descendants indemnes peuvent être alors utilisés pour sélectionner les meilleurs avec les traits désirés pour la génération suivante. Nous encourageons particulièrement les propriétaires de chiens affectés de nous envoyer des échantillons. Les prélèvements sanguins des chiens affectés qui nous seront envoyés avec une radiographie seront testés gratuitement. Ces informations nous aideront à évaluer le degré de pénétrance de la mutation, pour si possible affiner la prédiction du risque dans le futur si nécessaire et pour commencer à rechercher une ou des causes additionnelles possibles d’OCM dans les trois races de terriers. Remerciements Nous aimerions remercier toutes les personnes qui ont contribué à ces recherches et tous les propriétaires et éleveurs de chiens qui ont contribué par leurs échantillons de sang et leurs informations à cette recherche. (Traduction par le Dr P.Picquot) |