Les anomalies vasculaires hépatiques congénitales héréditaires chez les Terriers d’Ecosse

 

Le shunt hépatique extravasculaire et l’hypoplasie portale primaire sans hypertension sont les anomalies vasculaires congénitales héréditaires les plus courantes chez les TE (Cairn, West, Scott et Dandies)
Elles peuvent coexister chez un même individu.

Selon le Dr Center, les deux anomalies ont une même cause génétique.
L’hypoplasie portale primaire qui serait 15 à 30 fois plus fréquente que le shunt extrahépatique dans les races prédisposées,
est cependant cliniquement moins grave et passe le plus souvent inaperçue.

 

 

SYMPTOMES 

 

       Ils apparaissent le plus souvent dans les deux premières années de vie (les cas graves apparaissent plus tôt parfois dès le sevrage, mais  les cas bénins qui peuvent rester asymptomatiques toute la vie du chien)
Jusqu’à 10-20 % des chiens porteurs d’un shunt hépatique seraient asymptomatiques

 

       Les symptômes correspondent à ceux d’une insuffisance hépatique, puisque le foie mal irrigué ne peut pas remplir son rôle de détoxification du sang, ni de synthèses protéiques.

 

-retard de croissance, retard pondéral

-appétit capricieux

-symptômes digestifs (diarrhée, vomissement)

-symptômes comportementaux et neurologiques (liés à l’encéphalose hépatique et à l’hypoglycémie, fatigue, alternance de prostration et d’agitation, agressivité,  vocalises,  convulsions, tremblements, coma)

-augmentation de l’eau bue et de l’urine émise

-symptômes urinaires liés à des calculs (rénaux et vésicaux) d’urate d’ammonium

 

     Les femelles sont un peu plus souvent touchées du fait que le shunt extrahépatique porto-azygos touche deux fois plus de femelle que de mâles.

 

  

 

Différences entre les deux anomalies :

 

            Le shunt est un vaisseau sanguin qui court-circuite le foie, ce qui produit une insuffisance hépatique. Sa gravité sera proportionnelle à l’importance et la position du vaisseau  (les shunts porto-cave sont plus fréquents et plus graves que les shunts porto-azygos)

 

              L’hypoplasie portale primaire sans hypertension touche les vaisseaux porte qui irriguent les différents lobes hépatiques et produit des effets plus ou moins marqués selon les lobes hépatiques, ce qui conduit à une insuffisance hépatique dont la gravité est proportionnelle au nombre de lobes touchés.

Il s’agit d’une baisse primaire du flot sanguin dans la veine porte, sans atrésie ni hypertension


La vascularisation hépatique

 

 

           Vascularisation hépatique normale                              Shunt extrahépatique (porto-cave)

 

 

 

 

 

       

 

DIAGNOSTIC :

 

-        Diagnostic de laboratoire d’une insuffisance hépatique :

 

Dosage des ACIDES BILIAIRES A JEUN et POST PRANDIAUX 2h00 après un repas contenant

     des matières grasses

 

. Acides biliaires à jeun depuis 12 heures inférieurs à 10 µmol/l

Cette valeur est parfois normale après un jeûne prolongé

Elle est souvent normale pour l’hypoplasie portale, et élevée pour les shunts.

 

. Acides biliaires post prandiaux inférieurs à 30 µmol/l

Cette valeur est toujours augmentée en cas de pathologie vasculaire hépatique

 

-        Diagnostic de certitude d’un shunt hépatique extravasculaire :

 

-Echographie à jeûn, (examen à faire en première intention)

-IRM, Scintigraphie, Portographie, ou l’ Angio-Scan qui est devenu l’examen de choix, capable de confirmer un shunt et de le localiser si l’échographie n’y parvient pas.

 

-        Diagnostic de certitude d’une hypoplasie portale primaire :

 

                            Nécessité d’éliminer l’hypothèse d’un shunt au préalable,

                              Biopsies sur plusieurs lobes hépatiques (au minimum 3).

 

 

 

Les différences cliniques et biologiques entre les deux défauts vasculaires 

 

Les symptômes du shunt sont en général plus marqués que ceux de l’hypoplasie portale primaire

 

Les analyses biologiques modifiées sont en faveur d’un shunt hépatique :

 

-        microcytose des hématies

 

-        urémie, créatininémie et cholestérol sériques bas

 

-        hypoprotéinémie et hypoalbuminémie modérées

 

-        hypoglycémie (inconstante)

 

-        faible activité de la protéine C sérique souvent  inférieure à 70 %

(Plus la valeur est basse plus sévère est le shunt)

 

  

 

TRAITEMENT 

 

-        Traitement médical du syndrome d’insuffisance hépatique

 

 (antibiotiques, lactulose, lavements, antiémétiques, mesures diététiques)  et des complications urinaires éventuelle (en cas de calculs urinaires)

Ce traitement est suffisant dans de nombreux cas, notamment dans les cas peu symptomatiques.

 

-        Traitement chirurgical

 

Il est envisageable dans les cas où les symptômes sont nets

. obturation du shunt extrahépatique.
Selon le club Hollandais du Cairn, 85% des chiens ont été opérés à l’Université d’Utrecht vers  l’âge de 3-4 mois et avec succès, pour un coût approximatif de1000€.

 

. lobectomies hépatiques lors d’hypoplasie portale.
 Cette chirurgie est beaucoup plus délicate et  rarement mise en œuvre car les chiens souffrants d’hypoplasie portale primaire sans hypertension peuvent en général être gérés médicalement.

 

MESURES DIETETIQUES

 

               Les protéines doivent être limitées mais de haute qualité. Les meilleures sources protéiques dans ce cas sont les produits laitiers et le soja. La viande rouge, le poisson et les abats doivent être évités.
Les probiotiques sont conseillés (certains yaourts)

Des aliments diététiques pour les insuffisants hépatiques tout prêts existent et sont indiqués.

 

  

 

LA GENETIQUE :

 

     Le Dr Center effectue des recherches à l’Université de Cornell (USA) afin d’identifier le ou les gènes en causes pour ces deux maladies.
Elle conclut à une hérédité polygénique possible et éventuellement à l’implication d’un gène autosomal dominant à pénétrance incomplète et expressivité variable.

 

    En Europe, c’est en Hollande que le Dr Van Steenbeek et son équipe conduisent des recherches similaires sur le shunt extrahépatique. Il conclut à une hérédité polygénique et à l’implication probable de deux gènes différents.

Des prélèvements de sang des chiots affectés sont les bienvenus à l’Université d’Utrecht

 

 

  

 

LE DEPISTAGE :

 

     Il est indispensable de tester les chiots ayant un retard pondéral ou d’autres symptômes évocateurs.

Un simple dosage des acides biliaires postprandiaux est suffisant selon Dr Center.

 

             Le taux est en général supérieur à 70 µmol/l en cas de shunt et inférieur à  70 µmol/l en cas

        d’hypoplasie portale primaire. Un taux supérieur à 100 signe avec une quasi certitude un shunt.

 

Il devrait être fait chez tous les jeunes TE dans la première année (le plus tôt possible) afin :

 

-        d’écarter de la reproduction les chiens atteints d’une de ces deux anomalies.

     Cela signifie en pratique que tout jeune dont les taux d’AB sont anormaux doit être écarté de la reproduction, même s’il n’a aucun symptôme associé.

 

-        de connaitre rapidement le statut hépatique des individus. Il est important de ne pas se trouver dans la situation plus tard dans leur vie, de devoir différencier une pathologie hépatique présente depuis la naissance d’ une pathologie hépatique acquise postérieurement, ce qui  demanderait des examens multiples, invasifs et coûteux.

 

     En pratique, les éleveurs peuvent tester les chiots dès 6-8 semaines (dès que le chiot mange de la nourriture solide), avant leur départ de l’élevage, afin de garantir au nouveau propriétaire que le chiot vendu est indemne d’anomalie vasculaire hépatique congénitale.

 

    Pour que le test soit valable et incontestable, le chiot doit être au préalable identifié et parfaitement déparasité, il ne doit pas souffrir d’autre affection au moment du prélèvement.

 

     Le test est peu onéreux ( 16 euros par prélèvement au laboratoire de l’école vétérinaire de Lyon                                    Vetagrosup), et rapide (résultat le jour de la réception du prélèvement). Il permet à l’éleveur de se protéger à peu de frais des inconvénients d’une cession d’un chiot qui risque de développer une pathologie héréditaire dans son jeune âge.

 

     Le test des acides biliaires fait partie des 8 examens de santé de base conseillés par le Cairn Terrier Club of America avant toute mise à la reproduction.

 

  

 

Le Rassemblement des Lévriers d’Irlande et d’Ecosse et le shunt hépatique, en France

(extrait du site du club)

    « Depuis le 1er janvier 2009, le club a mis en place un programme destiné aux éleveurs qui s’engagent à suivre le protocole Santé/Standard recommandé par le club.

    Les éleveurs qui consentent à suivre le protocole du R.A.L.I.E. dont les quatre exigences sont indiquées ci-après, verront leurs portées publiées dans la liste "Portées A" :

1-identification génétique des reproducteurs ;

2- Dépistage officiel de la CMD avant la saillie (avec résultat indemne) des reproducteurs ;

3-Dépistage des chiots pour le Shunt portosystémique avant le départ de l’élevage ;

4. etc »

  

 

Chez le Cairn Terrier, en Hollande (extrait du site du club) :

 

      « Depuis un grand nombre d’années le Netherland’s Cairn Terrier Club a poursuivi une politique intensive par rapport à l'évaluation du shunt hépatique afin  de réduire le pourcentage d’individus souffrant de shunt dans la race. Un pourcentage croissant de chiots est testé.  90% des éleveurs qui sont membres du NCTC ont leurs chiots testés. Depuis 1991, plus de 6000 chiots ont été testés.

     Le pourcentage de chiots diagnostiqués avec un shunt a diminué de 3% jusqu'à moins de 1% actuellement. Malgré toutes les mesures prises et toute l'attention accordée au problème, il arrive encore qu’un chiot naisse atteint de shunt hépatique, bien que les parents testés ne soient pas identifiés comme présentant un risque élevé. En fin de compte, les résultats de la recherche génétique à l'Université d'Utrecht permettront d'orienter les programmes de sélection et de progresser encore. En conclusion, le problème de shunt hépatique chez le Cairn Terrier a été traité avec énergie. D’excellents résultats ont été obtenus dans un nombre limité d’années grâce à la coopération majeure des éleveurs, la politique du club de race, et l'excellente coopération entre l'Université d'Utrecht et le club. À l'avenir, nous devons être vigilants. Les résultats de la recherche  devraient être la prochaine étape importante. »

Les chiffres  en détails:

     De 1990 à 1993 le taux de chiots nés avec un shunt était de 2.48%, de 1994 à 2001 il était de 0.96%. Actuellement la prévalence du Shunt hépatique chez les chiots Cairns testés est inférieure à 0.5%

année

Nombre de chiots testés

Nombre de chiots non testés

Nombre de shunts

2001

580

65

4

2002

604

87

1

2003

596

92

2

2004

Not published

 

 

2005

563

74

1

2006

454

49

1

2007

428

28

5

2008

386

38

1

2009

341

8

3

2010

360

7

0

2011

325

5

1

2012

393

0

3

 

 

Sources :

Dr Van Steenbeek and coll /Université d’Utrecht, ND (Distribution of extrahepatic congenital portosystemic shunt morphology in predisposed breeds)

 

Dr Shanon Center /Cornell University Ithaca, New York, USA (article du Merck veterinary Manual = Portosystemic  Vascular Malformations in Small Animals)

 

Dr Avril Hamel Jolette et Dr Lyanne Fifle/centre vétérinaire DMV de Montréal Canada (Anomalies vasculaires hépatiques congénitales)


Dr Karen M. Tobias/
University of Tennessee, Knoxville (Understanding common liver disorders in Yorkshire Terriers & other toy breeds (2013))